Le Monde de l'oralité

Les Hlayqia de Marrakech

Les Halqa, se sont ces cercles de théâtre de rue qui se forment autour des saltimbanques de la place Jemâa El Fna à Marrakech, parmi eux les conteurs aussi appelés Hlayqia.

Photo historique de Jemaa El Fna

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Place Jemâa El Fna à Marrakech, Maroc

Après une première mention en 1985 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, c’est en mai 2001 que l’organisation a classé la fameuse place Jemâa El Fna de Marrakech au patrimoine oral et immatériel de l’humanité pour son histoire, sa culture bouillonnante et surtout ses conteurs. Depuis la place est devenue un haut lieu touristique où se mêle marchands, saltimbanques et artistes de la tradition marocaine.

Si la place fut construite dès le XIIe siècle pour être un lieu de justice, ce n’est que quatre siècle plus tard que ses activités divergent vers le commerce et devient un lieu populaire et cosmopolite. Au début du XVIIe siècle, la place est nommée pour la première fois comme lieu de spectacle et de culture avec les halqa et ses conteurs dans les chroniques marocaines de l’époque par l’historien al-Youssi.

La halqa et ses conteurs, les Hlayqia

La halqa est quelque chose de vivant et de participatif, si elle paraît se faire de manière spontanée c’est en réalité le conteur qui la crée et la maintient. Il interpelle la population avec ses formules d’introduction comme la plus commune « Kan ya ma kan » (il était une fois) ou autre formule de bénédiction souvent religieuse pour porter bonheur au cercle que le conteur s’échine à former. C’est en darija (l’arabe marocain) ponctué de l’accent Marrakchi que les conteurs prononcent leurs histoires, celles-ci pouvant aller d’une heure à 1 an, perpétuant ainsi la magie des Mille et Une Nuits (quatre ans). Comme Shéhérazade, le conteur tient son auditoire en haleine, il coupe son récit alors que la tension est à son comble et leur promet la suite pour le lendemain.
Prédécesseur de nos séries actuelles, à une époque où la culture ne circulait pas aussi facilement qu’aujourd’hui, ces hommes, qui parcourait les différentes régions au Maroc, se nourrissait des traditions et des cultures ancestrales avant d'arriver à Marrakech. Ils transmettaient ainsi la littérature (comme les Mille et Une Nuits), l’actualité, l’Histoire, les anecdotes, les contes populaires et animaliers, la religion, les calembours et autres bons mots, puis par la suite, le cinéma qui n’était pas encore autant démocratisé. Ils interprétaient ces histoires et transmettaient alors à la foule les valeurs de la société marocaine et musulmane, tissant ainsi le lien social souvent grâce à une morale finale.?

Cette tradition du métier de conteur se passe, encore aujourd’hui, entre maître conteur et apprenti (souvent de père en fils) : il faut apprendre à manier sa voix et sa diction, son apparence et sa gestuelle, son sujet et sa morale. C’est cela qui permet de donner du sens au conte pour ces hommes de Marrakech. La transmission n’est pas formelle, et chaque conteur développe son propre style, toutefois il faut apprendre à raconter avec intelligence dans le respect de ceux qui les écoutent. On transmet ici plus qu’une histoire, on offre un savoir et des connaissances car les conteurs se doivent de posséder une très importante culture générale... et donc une mémoire exceptionnelle.

Le métier aujourd’hui?

Dans les années 1970, on comptait encore 18 conteurs sur la place Jemâa El Fna, tandis que seulement 7 ont été recensés en 2008, et tous avaient plus de 50 ans. Il est aujourd’hui très difficile de vivre du métier de conteur à Marrakech, et ceux pour de nombreuses raisons. Entre-autre la popularisation des média comme le cinéma, la télévision, les dessins animés, Internet, etc. Les conteurs ne sont plus les seuls à fournir des histoires aujourd’hui. Mais l’un des plus gros coups durs vient finalement de ceux qui ont cherché à les protéger, l’Unesco. Leur but premier était de protéger ces pratiques traditionnelles ancestrales, témoins d’une tradition toujours vivante mais certes déjà menacée. En voulant éviter les effets mercantiles du tourisme de masse et de l’industrialisation, la reconnaissance internationale n’a fait que  pousser ces tares à l’extrême. De plus en plus de touristes jalonnent la place et se désintéressent de ces récits dans une langue qu’ils ne comprennent pas et finissent dans les commercent purement touristiques qui les alpaguent plus facilement. C’est donc une consécration à double tranchant car il est de plus en plus difficile pour les acteurs de la place de pratiquer leurs activités selon leur propre dessein ou même selon la tradition. Une réalité qui touche les conteurs plus que n’importe qui d’autre.?

Toutefois, le tableau n’est pas complètement noir, certes ont n’est aujourd’hui plus sûr de trouver tous les jours un conteur sur Jemâa El Fna, mais ils sont toujours là et sont très bien organisés. Les associations comme celle des Professionnels de la halqa pour le spectacle et le patrimoine, travaillent dur à la préservation de leur culture notamment par des animations scolaires, de rue ou des festivals comme Le Moussem ou le Festival du Livre de Marakkech. Ces événements aident à la transmission et aussi à renouer le lien sacré entre maître et apprentis, car les conteurs font toujours mouchent grâce à leur maîtrise de la langue qui leur permet de manipuler notre imagination. Les étrangers finissent eux-aussi fascinés comme Mike Richardson et sont Café Clock ouvert à Marrakech en 2014 et cherchent à être un lieu d’échange interculturelle. Ici, Ahmed Ezzarghani, ancien conteur de Jemâa El Fna forme plusieurs élèves au métier, ces derniers les traduisent en anglais pour pouvoir les raconter sur la place historique et transmettre la culture marocaine aux voyageurs mais ils content aussi en darija(dialecte marocain) pour ne pas perdre les blagues et les notions intraduisibles à leurs proches et dans les écoles entre-autres.

 

La halqa et ses conteurs, les Hlayqia

 

L'espace culturel de la place Jemaa el-Fna Marrakech

Jemaa el-Fna à Marrakech, une place symbole de la culture marocaine populaire où la pratique de la Halqa, le rassemblement des spectateurs en cercle autour d’un conteur, d’un danseur ou d’un musicien, est depuis toujours un symbole communautaire fort, récurrent dans la culture orale populaire. Un lieu où sacré et profane se confondent, un lieu de liberté et de transgression aussi où des danseurs habillées en femme se déhanchent chaque soir à l’ombre de la Koutoubia, l’un des minarets les plus prestigieux du monde musulman.

jamaâ el fna le quotidien

Saïd, homme « danseuse » de la place Jemâa el-Fna

Jemâa el-Fna à Marrakech, une place symbole de la culture marocaine populaire où la pratique de la Halqa, le rassemblJement des spectateurs en cercle autour d’un conteur, d’un danseur ou d’un musicien, est depuis toujours un symbole communautaire fort, récurrent dans la culture orale populaire. Un lieu où sacré et profane se confondent, un lieu de liberté et de transgression aussi où des danseurs habillées en femme se déhanchent chaque soir à l’ombre de la Koutoubia, l’un des minarets les plus prestigieux du monde musulman.